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Marina Lévy - Les entreprises au cœur des enjeux de préservation des océans

Marina Lévy, océanographe, directrice de recherche au CNRS et conseillère Océan auprès de la présidence de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) s'enquiert l'état des océans en 2025 et des effets de leur dérèglement. De la prise de conscience à la prise de décision, elle interroge le rôle des décideurs publics, entreprises et citoyens dans la protection de ces espaces naturels.

L’océan recouvre 70 % de la surface du globe et régule le climat de notre planète. Sa dégradation, accélérée sous l’effet des activités humaines, menace directement nos sociétés. Face à l’urgence, chacun de nous peut jouer un rôle dans la transition vers une économie plus respectueuse des écosystèmes marins – à commencer par les entreprises.

L’océan va mal. En cause, le changement climatique, qui affecte son état physique et biologique ainsi que les écosystèmes marins, mais aussi la surexploitation des ressources : la demande en produits aquatiques a doublé depuis les années 1970, entraînant une surpêche de près d’un tiers des stocks de poissons. À cela s’ajoute la pollution, notamment liée au plastique, dont la production mondiale devrait tripler d’ici 2040. L’océan est devenu le réceptacle de tous nos excès. 

 

Les impacts de cette pression humaine sont connus et quantifiés. Depuis 1901, le niveau moyen de la mer a crû de 23 centimètres. Les canicules marines, elles, augmentent en fréquence et en intensité, avec des anomalies de température dépassant les moyennes saisonnières durant plusieurs semaines. Les mangroves et herbiers se dégradent rapidement, avec des pertes oscillant entre 25 et 50 % selon les espèces ; quant aux récifs coralliens, 95 % d’entre eux pourraient disparaître d’ici 2100. La détérioration de l’océan affecte aussi les sociétés humaines. Sur les littoraux, l’élévation du niveau de la mer, conjuguée à l’intensification des cyclones nourris par le réchauffement océanique, entraînera à l’avenir d’importants dégâts humains et matériels. Un événement de débordement autrefois centennal pourrait, dans un scénario pessimiste, se produire une fois par an d’ici 2100. Face à ces menaces, les ouvrages de protection sont indispensables, mais ne suffiront pas : c’est tout l’aménagement du territoire qu’il faut repenser. 

 

Dans le même temps, il est urgent d’agir pour alléger les pressions humaines sur les écosystèmes marins. Le renforcement des zones marines protégées, l’application stricte de quotas de pêche intégrant la composante climatique, l’interdiction des techniques de pêche non-durable, la lutte contre la pêche non déclarée et non reglementée, peuvent nous aider à préserver les ressources. Le transport maritime et les infrastructures portuaires doivent se decarboner, le tourisme se réguler. Enfin, la renaturation d’écosystèmes côtiers détruits par l’homme offre également une piste prometteuse, à condition de s’appuyer sur l’expertise scientifique.

En réalité, le défi réside moins dans l’identification de solutions que dans le déclenchement de la prise de conscience.

Marina Lévy, océanographe, directrice de recherche au CNRS et conseillère Océan auprès de la présidence de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). 

Prendre conscience. Telle est précisément l’ambition du baromètre Starfish, lancé à l’occasion de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC 3), en juin 2025. Élaboré par une équipe de scientifiques, Starfish propose pour la première fois une synthèse claire et accessible de l’état de santé de l’océan, des pressions humaines et de leurs impacts sociétaux. À la clé : sensibiliser le public et offrir aux entreprises une grille de lecture dont elles peuvent se saisir pour évaluer l’impact de leurs projets et activités sur l’océan et ses écosystèmes. 

 

Car au-delà des individus, les entreprises, elles aussi, ont un rôle majeur à jouer, si ce n’est le plus important. Elles disposent en effet d’une réactivité et d’une capacité d’action que n’ont pas les décideurs politiques, souvent contraints de raisonner à plus court terme. Les entreprises, elles, inscrivent leurs choix dans le temps long ; c’est ce qui peut les inciter à investir dans des méthodes plus durables alors même lorsqu’elles sont plus coûteuses à court terme. C’est aussi ce qui fait d’elles les acteurs les plus à même de changer la donne.

 

Nous sommes à un tournant de l’histoire de l’humanité. Nous disposons désormais de projections scientifiques et de données historiques suffisamment précises pour avoir conscience de la trajectoire sur laquelle nous nous trouvons. C’est maintenant qu’il faut inverser la tendance, non pas en attendant en vain une grande action décisive, mais par la somme de millions de micro-actions qui qui nous font progresser dans la transition vers un monde plus durable. L’objectif est d’accompagner ce mouvement, de créer cet entraînement collectif qui transforme nos habitudes. On a parfois l’impression de n’être qu’une goutte d’eau, incapable de changer quoi que ce soit. Mais c’est précisément en additionnant ces gouttes d’eau que nous réussirons ! »

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