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Terres excavées et polluées : un matériau noble à recycler

La nécessité de préserver la ressource en matériaux minéraux non renouvelables – issus de carrières ou du lit des fleuves et rivières – incite les acteurs du BTP à traiter et à dépolluer les terres excavées lors de leurs chantiers pour pouvoir leur donner une seconde vie. En supprimant leur transport par camions, le traitement de ces terres et leur réutilisation directement in situ est un pas de plus dans la réduction des émissions carbone des projets. 

Terres excavées, sédiments : de quoi parle-t-on ? 

Les terres excavées correspondent au sol initialement en place, qui est retiré majoritairement pour les besoins de chantiers de génie civil ou de bâtiment. Elles peuvent être excavées selon différentes techniques, comme le terrassement qui consiste à creuser pour mettre à niveau ou réaliser des fondations, ou le creusement au tunnelier notamment pour les grandes infrastructures souterraines de transport. Elles peuvent aussi être issues de travaux hydrauliques, qui consistent à creuser des tranchées, pour faire passer des canalisations souterraines. Les terres excavées ne sont pas toujours polluées, cela dépend de l’historique du site. Si elles le sont, il existe des traitements qui permettent de les dépolluer pour donner une seconde vie à ces matériaux précieux. 

Les terres excavées représentent une part très importante des déchets produits dans le monde, et en France : environ 110 millions de tonnes par an, soit près de la moitié des 224 millions de tonnes de déchets produits par le secteur du BTP, qui représente quant à lui 69 % de la totalité des déchets produits (326 millions de tonnes). À ces terres excavées, il faut ajouter les sédiments et les boues de dragage, qui proviennent du dragage des ports, des fleuves et des rivières, pour maintenir, restaurer ou développer leur navigabilité, prévenir les inondations ou restaurer l’intégrité des écosystèmes. Chaque année, 30 millions de tonnes de sédiments marins et 1 million de tonnes de sédiments continentaux sont dragués, qui peuvent aussi être recyclés.  

+ de 200 millions

de tonnes de déchets sont produites en France pour le secteur du BTP.

La terre excavée : un enjeu économique et logistique… 

La plupart des terres excavées sur les chantiers est évacuée soit vers des sites de stockage (Installations de stockage de déchets inertes – ISDI) soit vers des filières de valorisation, ce qui permet de leur donner une seconde vie, par exemple comme matériau de remblai pour aménager des carrières désaffectées, et les transformer en sites agricoles ou de loisirs. Elles peuvent aussi être traitées in situ et réutilisées sur place, avec l’avantage de supprimer les émissions de carbone liées à leur transport (par camion, ou par barges pour un impact carbone plus faible). Les terres excavées représentent un enjeu économique et logistique, car leur prise en charge et leur transport par camions constituent un surcoût qui pèse sur l’économie et l’empreinte environnementale de chaque projet de construction ou de génie civil.  

… et une ressource non renouvelable 

Comme pour n’importe quel déchet, les terres excavées doivent être traitées de manière satisfaisante pour éviter de nuire à la santé des populations et à l’environnement. Envoyées en décharge, elles s’accumulent et saturent les installations de stockage, et en cas de réutilisation sans précautions particulières, elles peuvent polluer l’environnement. Ces terres excavées sont une ressource précieuse non renouvelable, dont les volumes sont amenés à croître, notamment en raison de la doctrine du zéro artificialisation nette (ZAN) qui incite à construire de plus en plus sur d’anciennes friches industrielles. Qu’elles soient non polluées ou dépolluées après traitement, elles sont de plus en plus employées pour recréer des sols, ce qui limite l’utilisation de matériaux comme les sables ou roches issues de carrières, ou les sédiments de rivières, des ressources en quantité limitée qui doivent être préservées. 

Terres excavées : les caractériser pour passer du statut de déchet à celui de ressource 

Les terres et les matériaux excavés prennent le statut de déchet dès la sortie de l’emprise du chantier. Cela les soumet à une réglementation contraignante, qui implique une traçabilité et un respect de l’environnement et de la biodiversité. Concrètement, ce statut oblige le producteur des terres excavées à les caractériser - sont-elles inertes ? Sont-elles polluées ? – et à leur trouver un exutoire adapté selon leur catégorie à l’issue de la caractérisation : inertes, non inertes, non dangereux, dangereux. Une chaîne de traçabilité est déployée. Ces obligations ont été renforcées par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020, qui a imposé des contrôles préalables, contrôles in situ et contrôles externes des terres excavées, et a étendu la responsabilité des producteurs, détenteurs, transporteurs et valorisateurs. En résulte notamment la tenue obligatoire d’un registre chronologique par toutes les entreprises de la filière, et la création d’un Registre national des terres excavées et sédiments. Excavations, transports, transits, négoces, valorisations et éliminations doivent être tracés et renseignés dans ce registre informatique national. 

Nous valorisons jusqu’à 95 % des volumes de terres et sédiments réceptionnés sur la plateforme de Bruyères-sur-Oise (Val-d’Oise).

Charles Tournemine, responsable d’exploitation d’Extract, filiale de VINCI Construction.

Nous ambitionnons d’appliquer ce modèle de recyclage et de réemploi à 100 % des terres excavées sur nos chantiers à l’horizon 2030.

Jérôme Aubry, directeur technique de Sogea Environnement, filiale de VINCI Construction.

Le statut de déchets des terres excavées impose également aux producteurs un principe de valorisation. Alors qu’encore beaucoup de terres excavées finissent dans des installations de stockage de déchets inertes (ISDI), en comblement de carrières, ou en remblai dans le cadre de travaux routiers, ne correspondant pas à une valorisation, mais à une élimination, les méthodes de valorisations deviennent de plus en plus nombreuses. Par exemple pour leur donner une seconde vie pour reconstruire les sols lors de la requalification de friches industrielles en lotissements. 

Resurgat 1

Une terre désamiantée utilisée en aménagement

Pour requalifier la friche industrielle historique Résurgat 1 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Navarra TS, filiale de VINCI Construction, a traité un volume total de 60 000 m3 de matériaux sur une surface de 15 hectares, dont une partie par criblage en voie humide, un procédé qui permet d’éliminer l’amiante détectée lors de la phase de diagnostic. Les opérations de tri, purge et pré-traitement réalisées sur place ont permis de réutiliser la grande majorité des terres excavées pour reconstruire les sols de la parcelle. Cette opération a été effectuée dans le respect de la biodiversité, en présence d’espèces protégées animales (goélands, lézard) ou végétales, comme les orchidées sauvages, et autres espèces exotiques envahissantes.

Les terres excavées peuvent aussi être triées pour en extraire des sables et des granulats pouvant entrer dans la composition de certains matériaux de construction, ce qui permet d’économiser des composants primaires précieux.

Port Camargue

Port Camargue : des sédiments recyclés en sable de plage

Le dragage de Port Camargue au Grau-du-Roi (Gard), qui a mobilisé deux filiales de VINCI Construction – Océlian et Extract, un acteur français majeur du traitement des sédiments et des terres –, a donné lieu à l’extraction de 5 000 m3 de matériaux dans le chenal sud du port. Ces sédiments ont subi un dégrillage des macro-déchets, puis un procédé d’hydrocyclonage pour pouvoir séparer les fines et les sables. Une fois lavés, les sables ont pu être valorisés en rechargement des plages locales, tandis qu’une déshydratation des particules fines, au moyen de tubes géosynthétiques, a permis de valoriser ces dernières en sous-couches routières. 

Également, grâce à des traitements par adjonction de chaux ou de matériaux granuleux (corrections granulaire), ces terres peuvent devenir un très bon remblai. Dans la région de Velaine-en-Haye (Meurthe-et-Moselle), par exemple, Sogea Environnement (VINCI Construction) pose une canalisation dans une tranchée profonde sur 1,5 km. Les équipes ont fait le choix d’une unité mobile qui a permis de traiter la terre excavée in situ par correction granulaire, c’est-à-dire en ajoutant à la terre un matériaux granuleux pour lui redonner sa densité d’avant l’extraction, et pouvoir la réutiliser en remblai sans risque d’affaissement.

Remea Pologne

Créée il y a 5 ans, Remea Pologne, une filiale de Remea, entreprise de VINCI spécialisée dans la dépollution environnementale, la réhabilitation des sols et la revitalisation des eaux souterraines, a déjà réalisé plusieurs projets de dépollution parmi les plus ambitieux jamais menés dans ce pays. Pour la réhabilitation de l’étang Kalina, dans le sud du pays, l’entreprise a employé une méthode de désorption thermique — extraction de l’eau contenue dans un substrat, une première en Pologne — pour neutraliser les polluants chimiques présents dans les dépôts sédimentaires.

Enfin, quand elles sont issues de bons terroirs agricoles, les terres excavées peuvent subir un traitement de « remédiation », consistant à les additionner de compost pour les transformer en un substrat fertile, utilisable pour les besoins de plantations d’arbres et d’espaces verts. La pierre de meulière concassée après extraction peut être utilisée pour des aménagements paysagers, comme les murs en gabion, composés d’armatures métalliques remplies de blocs de pierre. 

La valorisation des terres excavées a un grand rôle à jouer pour atteindre l’objectif fixé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015 : une valorisation de 70 % des déchets du BTP en 2025. 

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