Entretien avec le président-directeur général

Portrait de Xavier Huillard, PDG de VINCI

« TOUTES LES COMPOSANTES DE NOTRE MODÈLE CONTRIBUENT À NOUS RENDRE À LA FOIS PLUS RÉSILIENTS FACE AUX ALÉAS DU COURT TERME, ET PLUS EFFICACES POUR SAISIR AUJOURD'HUI ET DEMAIN LES IMMENSES OPPORTUNITÉS QUI S'OFFRENT À NOS MÉTIERS. »

Xavier Huillard, président-directeur général de VINCI

Comment résumez-vous les performances de VINCI en 2024 ? 

Nous avons confirmé, une fois encore, notre capacité à tracer notre chemin de croissance vertueuse. Dans un environnement économique globalement moins favorable qu’en 2023, nous avons fait progresser notre chiffre d’affaires et nos résultats malgré la nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance en France, qui a représenté une charge supplémentaire de 284 millions d’euros. Il faut souligner également le niveau record de notre cash-flow libre, qui conforte nos marges de manœuvre pour poursuivre notre développement. 

Ces performances solides sont le fruit d’un modèle que nous n’avons cessé d’approfondir au fil des années. Toutes les composantes de notre modèle contribuent à nous rendre à la fois plus résilients face aux aléas du court terme, et plus efficaces pour saisir aujourd’hui et demain les immenses opportunités qui s’offrent à nos métiers.

Précisément, face aux incertitudes géopolitiques et macroéconomiques actuelles, qu’est-ce qui vous rend résilients ? 

C’est d’abord notre organisation décentralisée. Conçue pour libérer la capacité d’initiative de nos équipes sur le terrain, elle montre toute sa modernité dans une période où l’agilité devient une vertu cardinale. VINCI, ce sont d’abord plus de 4 200 business units qui sont autonomes sur leurs marchés et leurs territoires, tout en partageant une forte culture commune et des réflexes de bonne gestion qui font notre cohésion d’ensemble. La constance de nos résultats en porte la trace. C’est ensuite, élément tout aussi essentiel, la diversité de nos métiers et des géographies dans lesquelles nous les exerçons. Dans chacun de nos trois grands métiers des concessions, de l’énergie et de la construction, notre activité se déploie sur une palette toujours plus large d’expertises, de contrats, de territoires et de pays. Notre internationalisation en est le signe le plus visible : nous approchons aujourd’hui des 60 % de chiffre d’affaires réalisés hors de France, contre environ 40 % il y a à peine une dizaine d’années. Par ailleurs, la majorité du résultat net est générée à l’international. Nous sommes aujourd’hui un acteur significatif non seulement dans une dizaine de pays d’Europe mais aussi aux États-Unis, au Canada, au Brésil, ou encore en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Quelle est la tendance de l’activité dans chacun des trois grands métiers de VINCI, en commençant par les concessions ? 

Les concessions sont le socle de notre stratégie de temps long, et les besoins structurels de mobilité qui sous-tendent nos activités dans ce domaine nous donnent raison dans notre démarche de développement volontariste. Dans l’aéroportuaire, où nous sommes aujourd’hui le premier opérateur privé au monde, avec 72 aéroports dans 14 pays, nous avons globalement dépassé en 2024 le niveau de trafic pré-Covid. La trajectoire de reprise se révèle sensiblement plus forte que ne le prévoyaient les projections du secteur, et nous sortons renforcés de la période de crise sanitaire avec des résultats opérationnels qui ont largement dépassé, eux aussi, leur niveau de 2019. Nous accélérons également notre développement, qui a porté principalement, en 2024, sur les nouvelles concessions des aéroports d’Édimbourg, au Royaume-Uni, acquis en pleine propriété, et de Budapest, en Hongrie. 

Dans le secteur autoroutier, le trafic sur le réseau VINCI Autoroutes en France a montré sa résilience dans une conjoncture économique moins favorable et malgré les blocages subis au cours du premier semestre. À l’international, VINCI Highways a poursuivi l’extension de son réseau en remportant de nouvelles concessions aux États-Unis et au Brésil, et en mettant en service une nouvelle autoroute en République tchèque, construite par nos filiales régionales de travaux routiers. Là encore, nous sommes en train de devenir un opérateur significatif à l’échelle mondiale. 

Notre stratégie de temps long dans les concessions s’illustre aussi par nos initiatives pour décarboner nos infrastructures et les usages de mobilité. Cela se concrétise, notamment, par le « zéro émission nette » déjà atteint par l’aéroport de Toulon Hyères et qui le sera en 2026 par celui de Lyon-Saint Exupéry, grâce aux programmes de requalification environnementale ambitieux que nous déployons sur toutes nos plateformes. Il faut aussi mentionner l’électrification complète de nos aires d’autoroute en France : près de deux millions de sessions de recharge ont été effectuées en 2024 sur nos plus de 2 100 bornes en service – soit le double de 2023 –, ce qui montre que nous contribuons activement à l’installation de la mobilité électrique sur longue distance. À long terme, les investissements nécessaires pour transformer massivement les aéroports et les autoroutes en infrastructures bas carbone et résilientes au changement climatique rendront d’autant plus opportun le recours au cadre contractuel des concessions, ce qui valorise notre modèle. 

L’activité dans les métiers de l’énergie a-t-elle poursuivi sa croissance ? 

Bien avant que l’urgence climatique ne les mette au premier plan, nous avons décidé de nous développer de manière volontariste dans ces métiers, et leur essor remarquable dans la période actuelle montre la pertinence de ce choix stratégique. Le chiffre d’affaires de notre branche énergie, qui a progressé de 6 % en 2024 malgré une base de comparaison élevée, se rapproche désormais de celui de nos activités historiques dans la construction. Les deux pôles de cette branche, avec leurs profils complémentaires, tirent pleinement parti des grandes tendances de fond que sont la transition énergétique et la transformation numérique : VINCI Energies, grâce à sa proximité exceptionnelle avec ses clients et à son modèle de développement associant croissance organique et externe ; Cobra IS, avec sa capacité à réaliser des grands projets clés en main dans la continuité de ses activités de flow business. 

On le constate dès à présent dans leurs carnets de commandes, et la tendance va aller en s’amplifiant  : l’impératif de décarbonation de nos économies suscite un volume croissant de projets, non seulement dans les infrastructures de production, de transport et de distribution d’énergie électrique bas carbone, mais aussi dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment et des technologies de l’information, où la transition énergétique va de pair avec de multiples enjeux de compétitivité, de transformation des process, d’évolution des usages, etc. 

S’agissant des infrastructures électriques, nous nous inscrivons aussi dans le temps long en développant notre portefeuille d’actifs de production d’énergie renouvelable, qui représente à fin 2024 une capacité totale – en opération ou en construction – de 3,5 GW. De même, nous réalisons des lignes électriques à haute tension dans le cadre de partenariats public-privé – comme au Brésil et en Australie – qui englobent non seulement leur déploiement mais aussi leur exploitation-maintenance durant plusieurs décennies. 

Comment l’activité dans la construction évolue-t-elle ?

VINCI Construction a réalisé un exercice solide, avec un chiffre d’affaires en légère croissance et une nouvelle progression de sa marge opérationnelle. La bonne tenue des prises de commandes lui permet de poursuivre sa politique de grande sélectivité centrée sur les projets les plus créateurs de valeur et l’amélioration de ses résultats. Comme pour notre branche énergie, une part croissante de l’activité de VINCI Construction est liée à la transition environnementale. Cet enjeu structurant se retrouve dans les travaux de génie civil des infrastructures électriques, dans les grands projets de transport collectif bas carbone, dans les ouvrages et réseaux destinés à préserver la ressource en eau, dans les infrastructures de résilience climatique comme les bassins et systèmes de régulation des crues des fleuves. La tendance est la même dans les activités de bâtiment, comme le montre la proportion de plus en plus importante de projets de réhabilitation, pour lesquels se conjuguent rénovation thermique et adaptation des lieux de travail, d’habitat et de vie collective aux usages contemporains.

C’est d’ailleurs parce que ce mouvement de renouvellement urbain est profond et inéluctable que nous sommes confiants dans la capacité de rebond, à moyen terme, de notre activité de promotion immobilière. Face à la crise générale du secteur en France, VINCI Immobilier a su engager les gestes d’adaptation nécessaires tout en accentuant son positionnement de promoteur de référence dans les opérations de recyclage urbain, comme l’illustre le très beau programme Universeine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Celui-ci a accueilli le Village des athlètes pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 avant de se transformer actuellement en un vaste quartier mixte et écologiquement exemplaire. Le temps long, encore une fois, joue pour nous. 

Comment envisagez-vous les perspectives pour 2025 et à plus long terme ?

Les facteurs de résilience que j’évoquais au début de cet entretien nous permettront de tenir notre cap dans un environnement géopolitique et macroéconomique où l’incertitude est en train de devenir la norme. Dans les concessions, nos activités continueront d’être tirées par la forte demande de mobilité partout dans le monde. Notre branche énergie, forte du niveau record de ses carnets de commandes, devrait afficher une nouvelle croissance en 2025. VINCI Construction devrait connaître une conjoncture différenciée selon les pays et réaliser au global, grâce à un carnet de commandes lui aussi très élevé, un chiffre d’affaires proche du niveau atteint en 2024 — l’amélioration de la marge d’exploitation restant sa priorité. Nous sommes donc bien armés pour continuer à délivrer des performances robustes, et notre situation financière solide nous permettra de poursuivre dans de bonnes conditions notre stratégie de développement. 

Si l’on se projette à plus long terme, la transition environnementale est un levier puissant et durable de développement pour l’ensemble de nos activités. Avec notre sens du temps long et notre vision de la performance globale, nous qui avons toujours affirmé notre ambition de faire œuvre utile par nos métiers et notre façon de les exercer, nous avons pris à bras-le-corps cet enjeu existentiel pour la planète comme pour nos entreprises. Nous l’abordons comme une formidable opportunité : celle de créer encore plus de valeur par le reengineering environnemental de nos matériaux, de nos méthodes, de nos offres, de nos solutions ; celle de donner encore plus de sens à notre projet collectif, dans un monde où nos métiers n’ont jamais été aussi utiles et porteurs de progrès. 

Vous transmettrez au printemps 2025 à Pierre Anjolras vos fonctions de directeur général de VINCI, en restant président du Conseil d’administration. Comment abordez-vous cette transition 

La continuité est une caractéristique de VINCI, s’agissant du management comme de la stratégie ou de la culture d’entreprise. Pierre Anjolras incarne parfaitement ce Groupe, où il a fait l’essentiel de sa carrière et démontré ses remarquables qualités managériales. Depuis sa nomination comme directeur général opérationnel en mai 2024, nous avons longuement préparé ensemble cette transmission. Je lui fais toute confiance pour conduire désormais le Groupe dans une période riche de très beaux défis, que j’accompagnerai en mettant mon expérience au service du Conseil. VINCI a l’avenir devant lui, et je ne doute pas que les prochaines années vont le confirmer !